Tout seul on va plus vite, ensemble on va plus loin

Qu’est-ce qu’une entreprise peut attendre d’une approche par les parties prenantes ?

Global Biodiversity, 69% decline, 1970-2018. Living Planet Index data- base

La manière dont les organisations privées et publiques envisagent leur place dans la société et leur environnement a beaucoup évolué, à cause (ou grâce) à une extension croissante du périmètre de leur responsabilité. S’il est si difficile de s’emparer des enjeux de la polytransition à l’échelle de l'entreprise, c’est parce qu’ils nécessitent des changements d’ampleur, qui impliquent l’ensemble de la chaîne de valeur.

Vignette d’une stratégie multi acteurs

À ce titre, la théorie des parties prenantes, élaborée dans les années 80, suscite aujourd’hui un fort intérêt. Depuis la B Corp (2010, USA), jusqu’à la Société à mission (2019, FR), l’implication des parties prenantes est devenue un enjeu primordial. Et ce n’est que le début : la loi sur le Devoir de Vigilance (2017, FR) et la directive Corporate Sustainability Report (2023, UE) font des parties prenantes des acteurs clés de la responsabilité de l’entreprise.

Défini par R. Freeman, comme “tout groupe d’individus ou tout individu qui peut affecter ou être affecté par la réalisation des objectifs organisationnels”, le concept de parties prenantes avait pour objectif de tenir compte de la multiplicité des intérêts dans les objectifs de l’entreprise, au-delà des actionnaires. 40 ans de littérature en ont fait un concept à géométrie variable avec des approches différentes. Mais elles ont toutes en commun la reconnaissance de la dépendance de l’entreprise à son écosystème, et donc le contexte de transition dans lequel elle évolue.

Identifier les parties prenantes pertinentes

Cette stratégie n’est ni la plus facile ni la plus rapide à mettre en œuvre, mais elle est pérenne dans le temps.

Dans une approche des parties prenantes, on commence par se focaliser sur les éléments les plus légitimes et les plus touchés par les externalités négatives, plutôt que d’essayer d’être le plus exhaustif possible en incluant des éléments trop larges (comme “la nature”).

Une des manières d'identifier les parties prenantes est d’utiliser l’ethnographie qui se prête naturellement à la collaboration. Car pour recueillir des données de qualité sur le terrain, il faut établir la confiance et un partenariat avec les parties prenantes.

Dans une logique de transition, l’identification des parties prenantes par l’ethnographie peut être déterminante pour la bonne réception et le déroulement de projets de transition. Des organisations comme le PARC (Palo Alto Research Centre) et EPIC (Ethnographic Praxis in Industry Conference) sont à la pointe de la théorie des parties prenantes. Ils étudient et mettent en œuvre des méthodes ethnographiques dans la conduite de l’innovation et du changement en entreprise.

Par exemple, dans un projet de transformation numérique chez Xerox, PARC a choisi une approche partie prenantes de co-construction avec les agents d'appel et les chercheurs. Le projet de service client intégré de Xerox (Watts-Englert, et al., 2014) consistait à fusionner trois postes du centre d'appels en un seul, pour répondre à toutes les questions de service client, créer un nouvel environnement d’apprentissage et un programme de formation numérique, réalisé par les équipes et fondé sur la pratique. Les résistances naturelles à cette catégorie de projet s’amenuisent lorsque ceux qui subissent une transformation de leur destin sont tout à coup investis d’un pouvoir d’agir.

Mobiliser les acteurs et gérer les niveaux d’implication

Après l’identification des parties prenantes, le dialogue. Dialoguer avec les parties prenantes est le grand défi des organisations, comme le rappelle l’Agenda 2030 de l’ONU. Derrière le dialogue, il existe plusieurs degrés d’implications, et autant de supports pour y travailler et augmenter la capacité d’agir collective.

Par exemple, PARC définit 4 niveaux d'engagement qui peuvent évoluer au cours d'un même projet: un acteur peut être périphérique, promoteur, partenaire et participant.

Les promoteurs sont, par exemple, des personnes de confiance qui connaissent les équipes, la culture et les pratiques d'une organisation et ils facilitent les interactions entre participants et chercheurs (Watts-Englert, et al., 2014).

Hiérarchiser les enjeux pour dépasser les conflits d’intérêts

Enfin, il faut amener les parties prenantes à la concorde. Il n’est en effet pas rare que les intérêts des parties prenantes divergent, surtout dans un contexte de polytransition, où les fronts sont nombreux et les actions à mener diverses. Il est nécessaire d’adopter une posture propice à la délibération, afin de ne pas toujours prioriser les enjeux des mêmes parties prenantes (comme les clients au détriment des fournisseurs).

Lorsqu’une organisation s’engage dans cette approche, la distinction entre temps de discussion et temps de décision est essentielle. Particulièrement lorsque les personnes sélectionnées appartiennent à des sphères différentes (comme celles des entreprises et celles des citoyens), les temps de discussion permettent de réfléchir aux objectifs en tant qu’organisation, et de faire l’inventaire des ressources disponibles et des actions déjà entreprises sur lesquelles capitaliser.

Par la suite, les parties prenantes doivent identifier les points communs qui les rassemblent pour définir le cadre commun qui guidera leurs actions, individuelles comme collectives (ex: la volonté de décarboner un secteur d’activité). Il faut enfin établir le périmètre d’action de chaque partie prenante (écartant ce qui ne relève pas de sa responsabilité), établir sa capacité d’action, et hiérarchiser ses priorités par rapport à l’horizon commun défini.

Cette stratégie n’est ni la plus facile ni la plus rapide à mettre en œuvre, mais en situation de transition, elle permet de ne pas faire un pas en avant puis deux pas arrière. Sa pertinence vis à vis de l’alignement des acteurs et la mise en place d’actions coordonnées sur le long terme en font une méthode puissante pour mener le changement.

Eranos
Eranos est un cabinet de conseil en stratégie fondé en 2005 et spécialisé dans la transformation par la culture. Nous utilisons les sciences sociales pour aider les organisations à se préparer aux évolutions culturelles et stratégiques, à concevoir des stratégies basées sur la valeur et à impliquer leurs parties prenantes dans la réalisation de ces objectifs.

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L’entreprise est un agent de civilisation : ce n’est pas l’état qui a inventé le chemin de fer, ou le smartphone.
— Armand Hatchuel