Si certains collaborateurs se désengagent de leur travail, c’est souvent parce que l’entreprise propose un récit du travail en décalage historique avec la manière dont les collaborateurs vivent leur travail. L’évolution moderne de notre rapport au travail peut être découpé en 3 grands moments (de manière grossière).
XIXe : Travailler pour survivre
Pendant la révolution industrielle, le développement du système éducatif et l’urbanisation font exploser la main-d'œuvre. Les salaires permettent de subvenir à nos besoins, de nous hisser la tête hors de l’eau, de sortir du piège de la pauvreté. Apparaissent l'électricité, l’eau courante, le chauffage central, la plomberie intérieure, l’automobile, les antibiotiques… Le travail est une condition du bonheur, on travaille alors pour survivre : l’espérance de vie augmente.
XXe : Travailler pour le confort de vie
Tout au long du XXe siècle, avec la tertiarisation des activités, on travaille pour améliorer son standard de vie. La révolution informatique dé-spécialise les tâches, pendant que les machines inondent le marché d’objets à bas prix. Avec les salaires, on achète des véhicules, des micro-ondes, on aménage les voyages de congés payés. L’imaginaire de l’accomplissement personnel par l’accumulation des biens justifie une portion de sacrifice dans le travail.
XXIe : Travaille pour la qualité de vie
Vingt ans dans le XXIe siècle, on travaille pour la qualité de la vie. Notre travail, de son produit à la manière dont il se déroule, doit alimenter une vie qui prime sur tout le reste. Le temps au travail étant aussi du temps de vie, nous évaluons notre travail dans toutes ses dimensions à sa capacité à améliorer notre vie. Le travail est une composante du bonheur.
Quand on travaille pour un standard de vie, on accepte de mener certaines tâches roboratives contre une rétribution, puisque cette rétribution sera utilisée pour améliorer les conditions de la vie personnelle. Mais quand on travaille pour la qualité de la vie (comme c’est de plus en plus souvent le cas aujourd’hui), la vie professionnelle se retrouve dans un grand emmêlement avec la vie privée.
Quand on travaille pour la qualité de la vie, aucune rétribution ne peut légitimer les activités qui, pendant le travail, diminuent cette qualité de vie. Ce qui appauvrit notre quête de sens, va à l’encontre de nos principes, nous écarte du collectif… devient difficilement compensable par du salaire, car cela va à l’encontre de la raison même pour laquelle nous travaillons.
La séparation entre vie pro et vie perso s’efface, tout simplement parce que ce qui est vécu, même dans la vie pro, c’est de la vie.