En faisant une cartographie de l’écosystème d’une entreprise, on a envie de mettre l’entreprise au milieu, puis de faire rayonner autour d’elle ses parties-prenantes. C’est l’héritage d’une conception selon laquelle seul le business crée de la valeur, en organisant de manière judicieuse des ressources autrement improductives. Cette idée est impropre. La valeur est créée collectivement par un ensemble de parties prenantes qui abondent en elle, chacune à sa manière. L’entreprise en est la force organisatrice, elle donne le tempo, outille, et se porte garante de la finalité. Mais il faut tout un écosystème de collaborateurs investis, de régulateurs constructifs, d’actionnaires long-termistes et patients, de fournisseurs sains, de ressources naturelles abondantes, et de communautés locales engagées, pour que la valeur soit créée. Et l’entreprise doit prendre soin de cet environnement.
Un outil pour anticiper et durer
La théorie des parties prenantes est née dans les années 60, avant le succès de l’économie friedmanienne. La définition se stabilise autour des travaux prospectifs du Stanford Research Institute (SRI), qui définit les stakeholders comme ”des groupes sans le support desquels l’organisation cesserait d’exister” (Long Range Planning Service Report n°168). Les parties-prenantes sont l’ensemble des acteurs qui participent à la vie économique de l’entreprise (salariés, clients, fournisseurs, actionnaires, etc.) ; observent et/ou influencent son comportement en interne et en externe (syndicats, ONG, organismes de certification, etc.) ; et sont affectées, directement ou indirectement, par ses activités (communautés locales, collectivités territoriales, État...) de façon positive ou négative.
Les relations d’interdépendances qui lient une entreprise à ses parties prenantes constituent son écosystème. L’intérêt actuel pour cette approche s’explique justement par une altération de deux de ces relations. D’abord la perméabilité croissante entre entreprise et société, qui fait entrer les préoccupations de sens et de santé des collaborateurs dans l’organisation. Ensuite les pressions subies par les acteurs externes, qui rendent plus difficile la création de valeur, et fragilisent la viabilité de l’entreprise.
La loi sur le Devoir de Vigilance, la CSRD et le reporting extra-financier, ou la loi PACTE ont réaffirmé l’importance des parties prenantes dans une approche de responsabilité. En parallèle, un nombre grandissant de parties prenantes revendique leur droit d’être informées, consultées et impliquées dans la prise de décision des organisations. Les entreprises confèrent une importance croissante à ce dialogue, car ce sont elles qui confèrent la légitimité de son utilité sociétale et sa social licence to operate (SLO).
En mettant la valeur au centre de la carte (là où on aurait envie de se mettre soi-même), l’entreprise peut nourrir cet écosystème dont elle dépend. Comprendre les perceptions et les attentes de ses parties prenantes est déterminant pour les impliquer. “Agir avec” permet de s’assurer de la distribution des responsabilités. Mais surtout : en faisant apparaître les pressions qui empêchent chaque partie-prenante de contribuer pleinement à la création de valeur, les entreprises s’ouvrent la voie d’une performance robuste et profonde.
Eranos cartographie l'écosystème créateur de valeur de ses clients avant tout acte de transformation. La prise en compte et la sollicitation des parties prenantes nous assure leur engagement dans la mise en œuvre du projet, puisque le projet déployé est leur projet.
Par où commencer ?
L’économiste Mariana Mazzucato propose 4 petits pas pour se mettre sur le chemin d’une économie des parties prenantes :
- Changer de regard. Reconnaître que le succès de l’entreprise dépend d’un effort collectif, mettre des noms sur les acteurs (prêts, bourses, syndicats…)
- Faire les choses différemment. Partager la connaissance, échanger les brevets, passer des commandes aux prestataires en difficulté…
- Collaborer différemment. Dans une mentalité de moonshot, identifier un problème et agréger toutes les compétences pour le résoudre.
- Distribuer la richesse différemment. Puisque la valeur est créée collectivement, veiller à ce qu’elle soit redistribuée entre les acteurs qui participent à sa création.