Maria Lorente : l’engagement est la clef de la réussite de l'entreprise

La Directrice des Ressources Humaines et de la Responsabilité Sociétale de Nexans explique comment faire de l’engagement un facteur de performance pour l'entreprise

Acteur majeur de la transition énergétique, l’industriel Nexans (groupe mondial côté au SBF 120 spécialisé dans la fabrication de câbles et accessoires électriques) a modélisé l’E3, un nouveau paradigme managérial mesurant la performance de ses unités sur la base de critères Économiques, Environnementaux d’Engagement.

Faire appel à des consultant-sociologues pour mesurer la voix des collaborateurs, c’est particulier comme dispositif, tu as vu ça ailleurs ?

Non. La plupart des sociétés se contentent de faire des enquêtes d’opinion annuelles, mais ceci n’est pas suffisant. Nous pouvons aller au-delà chez Nexans car nous avons une culture qui nous l’autorise. Je n'ai pas vu ce genre d’approche ailleurs. En règle générale, il est beaucoup question d'engagement avec des modèles académiques qui s’adressent surtout aux cadres, et cela ne fonctionne pas complètement, en particulier dans des groupes industriels où les collaborateurs en usine représentent plus du 75% de la masse salariale.

Comment se vit la question de l’engagement chez Nexans par rapport aux autres groupes industriels que tu connais ?

Il y a une chose géniale chez Nexans, c’est qu’il y a une vraie bienveillance au sein des équipes et entre elles. Tous les collaborateurs ont le cœur qui bat pour Nexans ! Là où nous devons évoluer, c’est en réussissant à lier l’engagement à l’impact, à montrer le sens, ce qu’il y a derrière. Faire des choses, c’est très bien mais il faut pouvoir dire pourquoi on les fait, surtout dans la fonction RH. Il faut un fil rouge entre les actions, sinon on s’épuise et nos objectifs ne sont pas atteints. Les gens travaillent énormément mais il est important de donner du sens, il faut faire moins mais mieux. La stratégie du groupe Nexans, “Simplify to amplify”, je veux aussi l’appliquer à la fonction RH.

Ce qui est unique, chez Nexans, c'est que notre méthode lie intrinsèquement Économie, Écologie et Engagement.

Ce qui est clair pour moi, c’est que l’engagement de nos collaborateurs est plus que jamais la clé de la réussite de l’entreprise et je veux m’assurer que nous y accordons la plus grande attention.

Chez nous le taux d’engagement augmente chaque année ; il est à présent de 77% — ce qui est un très bon chiffre — mais je suis convaincue que l’on peut faire encore mieux.

Nous allons y arriver, en s’appuyant sur les 5 dimensions qui influencent l’engagement et qui sont des besoins fondamentaux pour l’employé, qui vont l’aider à s’épanouir et se sentir bien au travail.

Ce qui est primordial de comprendre est que ces dimensions varient d’une personne à une autre, et évoluent en fonction des périodes de sa vie. Concrètement, il faut imaginer que chaque personne peut prioriser les axes différemment, selon le moment où on l’interroge, et qu’avec la carte que nous possédons, nous pouvons lui apporter des réponses.

Peux-tu nous illustrer les 5 dimensions de l’engagement ?

  • Culture et mission (Purpose and culture) : Est-ce que mon entreprise a une mission claire ? Au-delà de mon entreprise, est-ce que moi, collaborateur, j’ai une mission claire ? En effet, l’engagement est quelque chose de local ; nous pouvons toujours établir une politique propre au siège mais cela va se vivre sur site, derrière les machines. Est-ce que mon entreprise contribue à l’inclusion ? Sur ce sujet précis, je veux qu’on parle d’inclusion et de diversité et non l’inverse. Nous pouvons assurer de la diversité dans le recrutement mais si nous n’avons pas un environnement inclusif, ces profils vont tout simplement partir.
  • Développement personnel et professionnel (Growth and development) : est-ce que j’ai au sein de l’entreprise la capacité d’apprendre, de m’épanouir, de grandir, d’évoluer ? Sentir que l’entreprise m’apporte des choses. Est-ce que je peux évoluer personnellement grâce à mon entreprise ?
  • Environnement de travail (Work environment) : c’est l’environnement au sens physique. Est-ce que je travaille en toute sécurité ? Est-ce que ma machine fonctionne bien ? Est-ce que j’ai tous les outils et moyens dont j’ai besoin pour faire mon travail ?
  • Harmonisation vie professionnelle & vie privée (Work-life integration) : comment intégrer et respecter ces deux composants fondamentaux? Et ici, il ne s’agit pas que du télétravail, qui est un sujet important pour les cadres mais pour les collaborateurs en atelier, ce n’est pas possible.
  • Rémunération et avantages (Compensation and benefits) : ce n’est pas le facteur qui va contribuer le plus à l’engagement, mais si nous ne sommes pas au niveau, cela ne fonctionne pas non plus.

Chez Nexans, nous avons une méthode globale qui est au cœur du mode de fonctionnement de l’entreprise. Ce qui est unique, c’est qu’elle lie d’intrinsèquement Économie, Écologie et Engagement. Au sein du dernier pilier, l’ensemble des cinq dimensions précitées font l’objet de KPI précis. Ce fonctionnement guide les décisions du management à tous les niveaux, des sièges jusqu’aux sites, et permet d’investir, d’agir là où cela est nécessaire.

As-tu pu expérimenter ce modèle de l’engagement et mesurer quelles sont les préférences et attentes des collaborateurs ?

Il y a quelque temps, j’ai réalisé un pilote sur plus de 2000 employés afin de mieux comprendre cette dimension. La méthode était simple, nous demandions : qu’est ce qui est important pour vous ? Vous avez 100 points, vous devez les distribuer au sein des 5 dimensions du modèle de l’engagement.

En vue macro, les deux dimensions les plus importantes étaient les aspects “Développement” et “Rémunération”. Nous avons ensuite commencé à travailler la data plus finement, en segmentant par populations. En regardant précisément les femmes cadres de l’entreprise, identifiées à haut potentiel, nous nous sommes aperçu que l‘attente portait beaucoup plus sur la dimension “Harmonisation vie professionnelle & vie privée” que le développement professionnel.

Pourquoi était-ce important de savoir ce qui compte vraiment pour nos collaborateurs ? Nous étions en train d’investir massivement dans le développement de carrière de cette population quand, en réalité, elles avaient d’autres priorités. Nous leur proposions des formations et elles voulaient plus de souplesse d’organisation. Cela nous a permis de comprendre les leviers d’engagement de chaque population pour investir dans les actions qui auront un impact réel sur leur fidélité et motivation.

Propos recueillis par Narjes Mhiri

Narjès Mhiri
Après 5 ans passé à la direction de l’innovation de la SNCF, Narjès s’est spécialisée dans l’étude des futurs souhaitables. Diplômée en philosophie, histoire et management de l’innovation à Sciences Po, elle utilise tous ses diplômes pour se poser une question simple : Que peut-on mieux faire ? Membre de plusieurs associations & sportive passionnée, elle aime à réfléchir sur tout sauf sur le talent de l’équipe de France de basket féminine qu’elle aime un point c’est tout.

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