Jouer les bons atouts pour atteindre la robustesse

Moins de Sun Tzu, plus de Mulan : créer de la valeur dans son organisation via une politique genrée.

Dans un monde où les entreprises doivent naviguer dans un environnement de plus en plus complexe, intégrer la dimension de genre dans leurs politiques n'est plus seulement un acte éthique : c'est un levier stratégique pour créer de la valeur. De l'élargissement du vivier de talents à l'amélioration des performances financières, les bénéfices d'une telle approche sont à la fois multiples et significatifs. L’Art de la guerre n’est plus le seul référentiel de la stratégie de l’entreprise, il faut aussi lui permettre de faire émerger des héroïnes.

Les femmes, un actif sous-exploité

“Les femmes sont l'actif économique le plus sous-utilisé au sein de l'économie mondiale”, déclarait José Angel Gurria, ex-secrétaire général de l'OCDE. Volontairement provocatrice, la formule permet de souligner que malgré leur contribution historique (Boni-Le Goff & Rabier, 2022) et continue (Wittenberg-Cox & Maitland, 2008) à l'économie , les femmes restent encore marginalisées dans l'entreprise. Disparités salariales, accès limité aux postes à responsabilité, répartition inégale des tâches…ces inégalités constituent non seulement une injustice, mais surtout une opportunité manquée pour les entreprises.

La robustesse organisationnelle, indispensable pour faire face à la polycrise, ne peut en effet se passer d’une politique de genre ambitieuse. Ignorer le potentiel des femmes revient, dans ce contexte, à se priver d'une ressource essentielle pour comprendre, innover, s'adapter et prospérer. Or selon le rapport Women in the Workplace 2021, réalisé par Lean In & McKinsey, ⅓ des entreprises n'ont toujours pas de politique formelle sur le genre.

4 bénéfices d'une approche genrée

  • Élargir le vivier de talents. En intégrant davantage de femmes dans tous les secteurs et à tous les niveaux, les entreprises accèdent à une palette de compétences & expériences plus large. Cette diversification renforce les capacités d'adaptation et d'innovation (Dai et al. 2019 ; Dohse et al. 2019 ; Ritter-Hayashi et al. 2019), cruciales pour rester compétitif dans un monde en mutation.
  • Stimuler l'innovation et la créativité. De nombreuses études montrent que les équipes diversifiées, comprenant notamment des femmes dirigeantes, prennent de meilleures décisions (van der Vegt & Janssen, 2003). Les femmes créent en effet les conditions nécessaires à l’émergence de solutions créatives et apportent des perspectives uniques qui enrichissent le processus d’innovation en adoptant une approche collaborative (Ritter-Hayashild et al., 2019). Leur présence dans les postes de direction permet aussi une meilleure compréhension des besoins clients pour des marchés variés (Wittenberg-Cox & Maitland, 2008).
  • Améliorer les performances financières. Selon plusieurs recherches, les entreprises comptant des femmes parmi les dirigeants affichent une rentabilité et une création de valeur supérieures à celles où elles sont absentes. Selon une étude de McKinsey en 2020, les entreprises ayant une forte représentation féminine dans leurs équipes dirigeantes étaient 25% plus susceptibles d'atteindre une rentabilité supérieure à la moyenne de leur secteur. Une enquête mondiale réalisée en 2015 et portant sur 21 980 entreprises dans 91 pays (Is Gender Diversity Profitable? Evidence from a Global Survey par M.Noland, T.Moran et B.Kotschwar) a également démontré que pour les entreprises rentables, le passage d'une absence de femmes dirigeantes à une représentation de 30 % était associé à une augmentation de 15 % du revenu net de l'entreprise.
  • Renforcer l'inclusion sociale. Le leadership des femmes favorise des environnements inclusifs, valorisant une pluralité de points de vue. Les études sur la diversité des genres indiquent ainsi que les femmes ont tendance à avoir des attitudes plus altruistes et empathiques (Boulouta, 2013 ; Glass et al., 2016 ; Acevedo-Duque et al., 2021). Selon le Forum économique mondial, leur autonomie économique génèrerait en outre des effets positifs au sein de leur entourage et par voie de conséquences sur la société dans son ensemble. En effet, les femmes ayant une propension à investir une part importante de leurs revenus dans des domaines tels que la santé, l’éducation et le bien-être de leurs familles et communautés, soutiennent ainsi la réalisation des Objectifs de Développement Durable (ODD) à 2030.

Combler le fossé : une urgence stratégique

Plusieurs entreprises démontrent qu'une politique genrée bien conçue peut produire des résultats probants. En instaurant des programmes de mentorat féminin, des initiatives inclusives de recrutement et des mesures favorisant un meilleur équilibre pro-perso, ces organisations réussissent à attirer et retenir des talents variés, tout en améliorant leur performance globale. C’est le cas de Qonto, plus grosse licorne française, membre de France Fintech, qui au sein d’une communauté d’entreprises engagées s’est attachée dès son origine à mettre en place une politique de mixité de genre des équipes à tous les échelons, utilisant l’Index Egalité Professionnelle et des programmes de mentorat comme BECOMTECH pour ce faire. Même constat pour Ikea qui, en 2023, affichait une parité parfaite à tous les niveaux de son organisation !

Le Global Gender Gap Report de 2021 alertait sur les 135,6 années nécessaires pour parvenir à l’égalité entre les sexes si rien ne change. Face à ce constat alarmant, l’urgence est désormais de déployer des initiatives audacieuses. En France, deux lois majeures ont ouvert la voie. La loi Copé-Zimmerman (2011) a imposé des quotas de femmes dans les conseils d’administration, plaçant le pays en tête de la féminisation des grandes entreprises cotées. La loi Rixain (2021) a renforcé cet élan en fixant des objectifs de mixité parmi les cadres et dirigeants d’ici 2029.

Une opportunité collective

Au-delà des cadres législatifs, des dirigeant.es visionnaires émergent comme des catalyseurs essentiels. Convaincu.es que l’autonomisation des femmes est un levier de performance, ils et elles militent pour une égalité réelle au sommet des entreprises. En 2024, l’association Actives, fondée par Marlène Schiappa, a mis en lumière les Next Women 40, des femmes prêtes à diriger les plus grandes entreprises françaises grâce à leurs réalisations et compétences avérées au sein de structures existantes.

Investir dans la promotion des femmes dirigeantes est bien plus qu’une démarche éthique : c’est un impératif économique et sociétal. Les entreprises qui misent sur cette mixité ne créent pas seulement de la valeur pour elles-mêmes, elles participent à construire un avenir inclusif et durable. Accélérer ce mouvement est la clé pour prospérer dans un monde où innovation et robustesse dépendent de la diversité au sommet. En serez-vous ?

Julie Ezan-Zecca
Experte en management de l’innovation et en prospective, Julie a une riche expérience en entreprise et dans le monde du conseil. Anciennement chez Kering, elle a dirigé des programmes d’innovation et de transformation auprès d’acteurs multiples et variés dans les secteurs public et privé. En tant que doctorante en stratégie à l’Université Paris Dauphine-PSL, ses recherches explorent les conditions d’émergence et de diffusion d’imaginaires du futur et lui permettent de développer des méthodologies et outils de prospective au service de futurs souhaitables. Julie promeut l’hybridation, l’interdisciplinarité et l’action pour accompagner les organisations dans leurs transitions.
Narjès Mhiri
Après 5 ans passé à la direction de l’innovation de la SNCF, Narjès s’est spécialisée dans l’étude des futurs souhaitables. Diplômée en philosophie, histoire et management de l’innovation à Sciences Po, elle utilise tous ses diplômes pour se poser une question simple : Que peut-on mieux faire ? Membre de plusieurs associations & sportive passionnée, elle aime à réfléchir sur tout sauf sur le talent de l’équipe de France de basket féminine qu’elle aime un point c’est tout.

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— Armand Hatchuel