De la transition écologique ou environnementale, à la transition démographique, la transition sanitaire, économique ou la fameuse transition numérique, ce terme polysémique est sujet de beaucoup d’anticipation et de beaucoup du travail de conseil. Alors que le fait d’être en “transition” paraît une évidence aujourd’hui, cet objet social reste souvent nébuleux dans les discours dans les sphères publics et privés, et peu remis en question par les acteurs ou acteurs prétendants de la transition.
“Transition” et “transformation” ne sont déjà pas les mêmes choses. La “transition” indique le passage d’un état à un autre par un processus progressif. La “transformation” indique l’action de transformer et le résultat de cette action. Avec une différence d’échelle aussi : “transition” est souvent employé pour aborder les changements dans les sous-systèmes (mobilité, énergies, villes), alors que “transformation” est souvent employé pour aborder les systèmes macros (société mondiale ou nationale).
Transition studies
Nous ne sommes pas sans repères dans cette situation. S’ouvre un champ : celui des transition studies.
Les transition studies désignent la transition comme une phase entre l’effondrement d’un paradigme sociétal et son remplacement par un nouveau paradigme. Un laps de temps nécessaire apparaît, pour combler le décalage entre (nouvelles) réalités et (anciennes) mentalités. Bien souvent, cette zone de hautes pressions est le résultat d’une multiplication des difficultés et des crises (la polycrise).
La transition est donc la correction d’une situation problématique ou anormale. En ce sens, notre situation n’est pas unique. “La transition” est un phénomène récurrent dans l’Histoire humaine. Nous produisons continûment des phases de transition, avec leurs remises en question, et le remplacement de paradigmes dominants (politiques, culturelles, économiques) par leurs successeurs.
Nouvel ordre social et environnemental
Les transition studies trouvent leur origine dans l’histoire de l'innovation. De manière étrange, la transition y est souvent représentée comme un projet collectif dans lequel une nouvelle donne (sociale ou environnementale) constitue un problème à résoudre. On pourrait la penser tout à l’inverse, comme la création d’un nouvel ordre social et environnemental. S’il ne s’agit pas de résoudre un problème extérieur, alors nous devons travailler au niveau de la multitude d’acteurs porteurs des normes, des évidences, et des idées d’une époque donnée.
La transition est une réorientation sociétale, et le travail à effectuer ne se situe non pas dans un système structurel, mais au niveau des réseaux de personnes et la coordination de leurs points de contact. Souvent invisible dans les discours et études sur la transition, elle est en effet la conséquence des actions stratégiques délibérées des individus et des groupes qui sont motivés par des valeurs et systèmes de valeurs.
Comment devenir acteur de la transition (ou des transitions) ?
❝La transition est un phénomène récurrent dans l’Histoire ❞
Au lieu de la penser comme un événement singulier ou un projet d’innovation à piloter, nous devons entendre la transition comme la revendication du "monde social” : une attente générale d’un remplacement des catégories de pensée (discours, identités), et de la reformulation des normes (culturelles, économiques, politiques). La polytransition est l’action de réseaux d’acteurs variés, dont les entreprises représentent une échelle essentielle.
Les transitions ne sont pas les objets de luttes systémiques (entre institutions), mais des phénomènes portés par des groupes d’individus qui possèdent une capacité d’agir. La question devient donc, comment créer les conditions pour que les entreprises, en tant que réseaux d’acteurs, puissent être agents des transitions vers un monde souhaitable ?
Coopétition
Contrairement à une transformation qui peut être portée par un seul acteur, la transition est nécessairement multipartite. Une organisation ne peut pas, à elle seule, opérer une transition énergétique par exemple. Bien plus qu'une simple évolution isolée ou interne, elle redéfinit le positionnement de l'entreprise en la replaçant au sein d'un écosystème de relations complexes. Ce qui change les modalités d’action. Tous les acteurs devraient se positionner dans une dynamique de coopération qui transcende les frontières traditionnelles de l'entreprise. L'attention portée aux différents acteurs impliqués dans ce processus permet une compréhension approfondie des échelles d'action et d'expérience.
Les entreprises, face à la complexité des transitions, se posent des questions cruciales déclinables en échelles de réseaux d'acteurs (macro, meso, micro) au sein des organisations. Quel est le rôle de mon organisation dans la polytransition ? Comment impliquer efficacement les équipes ? Comment coopérer avec d'autres acteurs engagés dans le processus de transition ?
Par où commencer ? Par l'échelle dont vous êtes déjà actrice ou acteur : l’échelle des parties prenantes, l’échelle de la gouvernance, l’échelle de management ou l’échelle du business model.
Par transition on désigne aujourd’hui une phase très particulière de l’évolution d’une société, la phase où celle-ci rencontre de plus en plus de difficultés (internes et/ou externes) à reproduire le système économique et social sur lequel elle se fonde, et commence à céder plus ou moins vite et plus ou moins violemment la place à un autre système qui finalement le remplace et devient à son tour la forme générale des rapports nouveaux entre les individus qui composent cette société, et celle de leurs conditions nouvelles d’existence. Maurice Godelier