Pour “une geste” écosophique

Pourquoi nous avons du mal à nous mobiliser individuellement, et comment les entreprises peuvent participer au re-surgissement des valeurs collectives durables

Photographies Eugénie Senlis

Encore objectivée, brandie comme argument d’autorité, privée de substance, et déployée comme outil marketing “haut de gamme”, urbain, l’écologie peine à se déployer dans tous les espaces de nos sociétés. L’enjeu est pourtant immense: Nous avons sabordé le navire et ne sommes pas en capacité de le réparer en structure, trop occupés à écoper l’eau en surface, à proposer des dizaines de mini solutions “miracle” éparpillées et à s’insurger collectivement de notre incapacité à agir en système.

Encore objectivée, déployée comme outil marketing “haut de gamme”, l’écologie peine à se déployer dans tous les espaces de nos sociétés

Chaque jour est le témoin d’une nouvelle alerte, qu’il s’agisse d’un scandale sanitaire, d’un chiffre sur la disparition d’une espèce ou du dernier rapport du GIEC. Pourtant rien de nouveau à déclarer finalement; nous savons (parce que nous voulons être éco-logistes — de oïkos, la maison, et logos, intelligence logique, donc la connaissance de cette maison) qu’il est urgent de changer de paradigme, de respecter l’environnement et d’y inscrire nos actions humaines durablement, parce que la question écologique nous touche tous, même si on a du mal à le percevoir à l’échelle individuelle — ce qui est d’ailleurs une des principales raisons de cette inertie comportementale.

Une fois encaissé le discours raisonné de l’écologie, d’appliquer ce savoir à nos modes de vie; en faire une éco-sophie — une sagesse de la maison, tranquille, aussi facile à transmettre qu’une recette de cuisine, et efficace.

Même si j’agis, ça ne changera rien

Le paradoxe réside en ce que nous sommes pris entre l’exhortation à la responsabilisation et l‘engagement personnels— les références sous-jacentes du modèle libéral qui se manifestent dans l’esprit de la “startup nation”- en coexistence avec le manque d’initiatives cohérentes des institutions, et la réalité des choses: l’addition des gestes de chacun ne suffit pas à équilibrer nos rapports avec l’environnement et réduire notre impact carbone global, puisque c’est comme cela que nous avons nommé la réalité mesurable des modifications néfastes que nous infligeons au monde.

Entre les insuffisances des actions institutionnelles et les “gouttes d’eau dans l’océan” que semblent apporter parfois en vain les plus volontaires d’entre nous, émergent, disparaissent et renaissent des phénomènes latents: Cafés concepts parisiens, magasins bio, épiceries en vrac qui apparaissent dans nos quartiers sont autant des signes annonciateurs d’un changement des mentalités que de réactions plus opportunistes à des modes passagères, souvent importées du monde anglo-saxon et qui mettent assez tragiquement sur le même plan l’esprit makers des meubles en palettes recyclées et de ces avocado toastsau bilan humain et environnemental désastreux.

La compensation est souvent un "capitalisme culturel" : une manière d'inclure dans le produit même l’excuse qui nous autorise moralement à en acheter plus

Si elles participent à une forme de prise de conscience de fond, la plupart de ces initiatives sont loin de modifier suffisamment nos habitudes pour être de réels vecteurs de changement, parce qu’elles s’inscrivent encore dans ce système dans lequel nous sommes installés depuis des décennies. Pire encore, certains projets d’entreprises peuvent représenter pour leurs clients une forme de dédouanement de leur responsabilité, via ce mécanisme de “greenwashing” — du blanchiment de conscience écologique par le marketing. Le philosophe slovène Slavoj Zizek appelle ces pratiques le “capitalisme culturel”, c’est à dire inclure dans le produit même l’excuse qui nous autorise moralement à l’acheter, qu’il s’agisse d’un label bio, un emballage recyclé, une garantie de don à des associations, sans remettre en question le système capitaliste productiviste lui-même. Privés par ce mécanisme de notre capacité de jugement, nos comportements sont truffés d’incohérences; comme rechercher un endroit où manger un brunch bio le dimanche, en même temps qu’acheter un aller-retour en Espagne en avion à peine plus cher que ledit brunch. Et tout le monde est concerné, imbriqué dans cette réalité dont la multiplicité des échelles et des choix nous dépasse.

Comment changer de comportement (et surtout, comment le faire sans que nous le ressentions comme une contrainte)

La question est toujours la même: comment changer de comportement, là, maintenant. Et surtout, comment le faire sans que nous le ressentions comme une contrainte de plus dans notre quotidien saturé de tâches et d’impératifs tous plus urgent les uns que les autres.

On sait que "les grands groupes peuvent rester inorganisés et ne jamais passer à l’action même si un consensus sur les objectifs et les moyens existe"
— Mancur Olson

Collectivement, nous ne voulons plus de présentations magistrales montrant des courbes de températures alarmantes ou des chiffres sur la surpopulation et l’exploitation des forêts. Les seules réactions seront la crispation ou le fatalisme: en recevant constamment des messages alarmistes, mais en méconnaissant tout à la fois la réalité de nos impacts et les bénéfices humains de ces actions sur les sociétés et sur les individus, nous sommes englués dans l’inaction, et c’est bien normal: Mancur Olson le constate dès 1965 en élaborant sa théorie de l’action collective et la contradiction qui en découle: « Les grands groupes peuvent rester inorganisés et ne jamais passer à l’action même si un consensus sur les objectifs et les moyens existe. » Nous sommes à peu près d’accord sur ces objectifs au niveau au niveau national, international, sur ce qu’il faut mener, les degrés d’augmentation de température que nous ne devrions pas dépasser, la quantité d’émissions de CO2 à réduire, malgré une poignée de climato-sceptiques et de semeurs de doute qui brouillent encore l’opinion comme ces médecins qui affirmaient l’innocuité des cigarettes dans les années 1960. En outre, au delà du consensus scientifique sur les objectifs, celui sur les moyens reste difficile à trouver, et la trop grande complexité des actions possibles nous fige comme des chèvres myotoniques dont le système musculaire se paralyse lorsqu’elles sont confrontées à une peur envahissante et ingérable.

Qu’est-ce qui fait bouger les foules ?

Ce sont des émotions fortes qui nous ont fait réagir tous ensemble, jusqu’à ouvrir nos portes, accueillir, peupler les rues pas comme des passants mais comme des citoyens unis

Réfléchissons d’abord à cet engagement qui nous fait défaut. Qu’est ce qui récemment a mobilisé les foules à grande échelle?

Que cela soit tristement lors des attentats de ces dernières années, ou bien lors de l’effusion de joie de la Coupe du monde, ce sont des émotions fortes qui nous ont fait réagir tous ensemble, jusqu’à ouvrir nos portes, accueillir, peupler les rues pas comme des passants mais comme des citoyens unis. Ces émotions ont été d’autant mieux véhiculées qu’elles étaient vécues à plusieurs. Parce qu’on s’est parlé, qu’on a raconté des histoires, nos histoires, ce qu’il s’est passé, avec qui on était, comment on a participé à l’aide d’urgence, réconforté, échangé ces regards, les sourires, les banderoles hissées ensemble place de la République. La première chose à faire pour réveiller les consciences est de vivre collectivement des émotions fortes. Malheureusement, si celles-ci gravent des souvenirs forts dans nos mémoires elles ne répondent pas d’une organisation systématique, sont ponctuelles, imprévisibles, et l’intensité des relations humaines qu’elles génèrent retombe après quelques temps.

“ A chaque fois que des hommes ont voulu changer leur manière de vivre ou de penser dans le passé, ce sont les sujets et méthodes de leurs conversations qui ont changé.” nous dit l’historien Theodore Zeldin. Si nous voulons parvenir à réellement modifier nos modes de vies afin d’assurer un équilibre social et environnemental, un autre grand enjeu des problématiques écologiques est donc de parvenir à diffuser un récit en continu et en continuité avec celui de notre existence, et à l’infuser dans nos modes de vie, d’organisation, d’interaction, d’habitation.

Ainsi, il s’agit non pas d’envisager l’écologie comme le fait pas de gestes additionnés, séparés les uns des autres, mais comme une narration tant intérieure que s’inscrivant dans un récit global guidant notre approche de l’époque; “une geste” de notre rapport au monde. Comme dans la chanson de geste, nous pouvons faire de ces moments du quotidien autant de récits, d’exploits insolites, d’anecdotes à demi-mythologiques, de victoires personnelles et collectives.

Il s’agit non pas d’envisager l’écologie comme des gestes additionnés, mais comme “une geste” : comme dans la chanson de geste, nous pouvons faire avec des moments du quotidien autant de récits, d’exploits insolites, d’anecdotes à demi-mythologiques, de victoires personnelles et collectives sur l'écologie.

A la différence des discours aussi imposants qu’abstraits, ceux que l’on écoute une fois sans pour autant modifier ensuite notre quotidiens, ces narrations sont, à l’origine, partagées collectivement, apportées par les conteurs, les trouvères, en parole, en musique ou en mime, et réappropriées par les habitants impliqués, chacun finissant par faire partie de la réalité et de continuer à l’alimenter volontairement. Au delà des belles paroles il est possible d’imaginer un système d’histoires actives, mêlant récits et actions concrètes, tenus par des liens sans cesse reconfigurés selon la variété des imaginaires et des savoir-faire humains autant que l’évolution des connaissances scientifiques . Ainsi ces “hauts faits” bientôt “accomplis” le seront par notre pouvoir collectif de nous emparer de nos propres récits, des tous ces petits gestes aussi efficaces que symboliques et de leur donner cette considération assumée en les inscrivant dans une totalité cohérente, cyclique, et horizontale.

Capitaliser sur les outils de l’entreprise

La difficulté actuelle du passage à l’action collective tient au fait que la réalité de ce qui participe à tisser ces liens ne sont plus aujourd’hui les religions, ni les institutions, desquelles les citoyens se méfient de plus en plus, alors qu’ils se penchent vers les entreprises et les marques comme productrices de contenu d’existence vecteur de sens. C’est donc en grande partie aux entreprises de participer aux changements sociétaux, parce que ce sont elles qui racontent ces histoires qui font bouger les foules. Or, elles y excellent déjà, mais pour la plupart en ne poursuivant pas les objectifs compatibles avec le développement durable, en restant encore arc-boutées sur l’idée que le consommateur, le client agit dans une finalité unique, individuelle, et non pas dans le cadre d’une relation de sens entre lui et les réalités dans lesquelles il s’inscrit.

C’est donc en grande partie aux entreprises de participer aux changements sociétaux, parce que ce sont elles qui racontent ces histoires qui font bouger les foules

Pourtant l’appareil commercial et idéologique développé par les entreprises pour nous faire vivre des expériences communes est parfaitement rôdé et leurs outils les plus efficaces: la culture, la communication et le marketing, qui influencent considérablement notre vécu en orientant les comportements d’achat et les tendances de vies, les sujets de conversation, les affects de chacun, justement parce qu’ils font appel dans leurs discours à des mythes et à des imaginaires que nous partageons et dans lesquels nous puisons pour entrer en interaction avec nos semblables.

Si les entreprises de consommation, de services, de tourisme, de conseil — dans lesquels nous sommes des millions à travailler- orientaient leurs efforts, œuvraient (avec cet aspect holistique de l’oeuvre) à véhiculer les réalités sur des cycles de production adaptés, à mettre en place à leur échelle et à leur rythme les systèmes, les modes d’organisation du travail allant de pair avec cette transition écologique que tout le monde semble attendre passivement, elles pourraient influencer les grands groupes industriels et culturels. Même si elles ne produisent pas directement de bien matériel, ces entreprises se doivent de s’engager, à la fois par leur culture, leur potentiel de mobilisation humaine et financier, d’intégrer cette dimension écosophique dans leur fonctionnement. Réfléchir d’abord au temps long, à la finalité de toute action ; l’entreprise se voulant pérenne, doit avant tout participer à l’amélioration des conditions de vies, des conditions de présence de l’homme sur terre, des relations de l’homme et son environnement, et de l’environnement en soi. Et appliquer dans chaque maillon de la chaîne de cette entreprise ce principe: dans l’industrie, on appelle cela de l’insetting c’est-à-dire pleinement intégrer tous les enjeux sociaux et environnementaux dans son cycle de production.

Le défi : transposer l’idée « d’insetting » dans les activités de service qui n’ont pas pour client final les consommateurs.

Les entreprises peuvent, et se doivent d’engager pleinement les valeurs (écoute, respect, transparence) dont elles se targuent — afin d’ailleurs de se différencier sur leur propre marché

Les entreprises de marketing, de conseil, d’études, de communication, ne créent pas d’objet matériels qui cristallisent habituellement nos discussions écologiques. Cependant le tangible n’est pas le seul lieu sur lequel l’action responsable est possible. Ces entreprises qui se différencient sur les marchés par leur identité graphique, éditoriale, leurs clients et partenaires souvent plus gros qu’elles. Leur activité est de produire de la matière à penser, des idées sur la société, de proposer des scénarios, des solutions à des modes d’organisation.

Il serait tentant, pour faire plaisir à un client d’adapter un propos à une situation déjà existante; c’est alors que les sirènes du greenwashing sont les plus dangereuses. Mais elles peuvent, et se doivent d’engager pleinement les valeurs (écoute, respect, transparence) dont elles se targuent — afin d’ailleurs de se différencier sur leur propre marché, et leur fine connaissance des tendances culturelles et des phénomènes de consommation actuels afin d’implémenter des idées fortes, de cautionner ouvertement des causes afin de réveiller les consciences et déclencher les changement de comportement en travaillant avec ces entreprises partenaires, souvent de grands groupes de consommation dont les produits embarquent massivement les individus dans des habitudes et des modes de vie et dont les transformations et les prises de position ont le pouvoir d’impacter à grande échelle nos sociétés. Et bien parler, véhiculer une idée puissante par des mots ne suffit pas; il s’agit également de montrer l’exemple concret, pratique, parce que c’est ce qui aider à ces partenaires, ces clients dans les hautes tours des grandes entreprises à réaliser que le changement est tangible et existe déjà tout près. Le terreau nourri de ces idées fait sourdre dans les cerveaux des cadres supérieurs, aux postes stratégiques des grands groupes, leurs propres intentions de transformation qu’ils sont plus que quiconque en moyen de les diffuser. Dès lors, les cabinets de conseil s’emploient en quelques sorte à jouer le rôle de chevaux de Troie bienveillants de l’action écologique.

En son temps

Bien entendu, aucun acteur, individu, entreprise, collectivité, ne peut être parfait tout de suite, parce que nous sommes des parties imbriquées dans le même mur, et pour changer toute la maison, il faut agir peu à peu et créer des effets de seuil. Pointer du doigt une incohérence chez l’autre ne sert à rien de plus que brider les efforts en faisant planer l’idée aigre et stérile du “tous pourris”. Il n’y a pas de réponse universelle à l’enjeu écologique, il est compliqué d’imposer à chacun massivement de devenir écolo (pour reprendre l’expression galvaudée), parce que c’est quelque chose d’intime, qui se crée avec un peu d’aide et d’accompagnement dans l’expérience, et se construit en apprenant. Bien souvent, l’individu même conscient est bloqué dans son passage à l’action par un ensemble de “coûts”, des biais cognitifs et d’habitudes ancrées; et les bénéfices de tout changement de comportement ne nous sont pas perceptibles si nous n’appréhendons pas avec nos clés de lecture les phénomènes. Il faut le rappeler; les gestes font sens parce qu’ils sont les nôtres, ils surgissent de ce que nous imaginons de notre rapport à l’autre, de la manière dont nous constituons notre monde intime et collectif.

Au lieu de nous réfugier derrière ce greenwashing qui nous dé-prend sournoisement de notre capacité propre d’exiger du bon, imaginons un green surging, un potentiel intime et volontaire de création de valeur pour notre environnement; nous, les autres, le vivant et le non-vivant; naissant de nos ressentis et convictions, de nos savoirs en matière d’énergie, de construction, de travail de la terre, pour les faire participer à ce monde qui nous entoure.

Montrer l’exemple n’est pas le meilleur moyen de convaincre, c’est le seul

Qu’ils nous soient donnés par les institutions ou par l’entreprise, nous avons besoin d’exemples initiateurs.

C’est pourquoi ceux qui œuvrent à trouver des actions et les appliquer au quotidien doivent être écoutés, leurs engagements relayés, comme celui de cette soixantaine de Youtubeurs, qui s’engagent ce mois de novembre à diffuser quotidiennement leurs défis pour la planète en invitant leur auditoire à y participer. L’initiative, nommée “On Est Prêt” —se veut une campagne de sensibilisation tout public. La plupart de ces influenceurs n’ont rien de militants écologistes: historiens, étudiants, musiciens, scientifiques, artistes. Ils ont simplement pris la mesure du fait que leurs vidéos qui sont vues par des millions d’internautes sont un formidable canal de communication et de transmission de la cause. Et chacun agit à sa manière, touchant son entourage de la façon la plus efficace; c’est à dire avec les mots et les gestes qui résonnent le mieux chez lui.

En outre, attirer l’attention sur ces enjeux doit être accompagné d’une fondamentale action locale, parce que chaque lieu et chaque échelle porte des problématiques différentes et leurs solutions propres, et c’est au à petite échelle, celle de ce qui nous environne que la problématique de priorisation des actions est souvent résolue. Le jacobinisme français n’est plus adapté quant il s’agit d’améliorer notre cadre de vie quotidien, cet environnement qu’on a réduit à une Nature distante, exploitable et maîtrisable alors qu’il s’agit avant tout d’un mot qui décrit ce qui nous “environne”, ce qu’il y a autour de nous. Rien de plus efficace, de plus touchant — on revient aux émotions —que d’apprendre et de s’engager en bas de chez nous, avec des amis, en famille.

“Montrer l’exemple n’est pas le meilleur moyen de convaincre, c’est le seul”, disait Gandhi.

A chaque fois que des hommes ont voulu changer leur manière de vivre ou de penser dans le passé, ce sont les sujets et méthodes de leurs conversations qui ont changé
— Theodore Zeldin

On ne change pas un comportement par des arguments et des discours catastrophiques. En revanche, on apprend extrêmement bien, une fois adulte, par l’initiation, notamment si celle-ci s’opère dans un espace pour lequel nous avons un sentiment d’appartenance. Etre acteur et partie prenante du corps social nous pousse expérimenter bien davantage que lorsque nous sommes récepteurs passifs d’une information magistrale (et inquiétante). Au lieu de nous crisper, un bon exemple, amusant, touchant, sensationnel va implanter une petite graine bien durable dans notre esprit.

Les entreprises ne sont pas (toutes) coupables des dégâts que l’humain génère sur son milieu. En revanche, en tant que rouages principaux et porteurs du système, et en sont conjointement responsables des conséquences. Comme le Petit Prince est responsable de sa rose qu’il a apprivoisé, ces compagnies ont un devoir envers ce consommateur desquels elles s’octroient une partie du droit de choisir avant même qu’ils puissent le faire. Ne pas assumer ce devoir relève de la manipulation malhonnête.

Aujourd’hui, les groupes savent très bien les impacts de leurs activités, connaissent les actions à mener pour les réduire, ou du moins ont les moyens financiers, intellectuels et opérationnels de prendre connaissance de ces éléments et donc le devoir moral de véhiculer les savoir-faire du changement le plus rapidement possible. De par leur position sociétale, ce sont eux qui ont les moyens de nous aider massivement en véhiculant les récits du changement juste et en nous impliquant dans les transformations du système. Ces nouvelles pratiques seront d’autant plus viables qu’elles seront assumées et menées dans la confiance et la collaboration avec les clients et les collaborateurs, qui recherchent à la fois transparence, honnêteté et accompagnement pour s’adapter à ces modes de vies et s’impliquer activement dans la démarche finalement cohérente, puisque répondant finalement aux grandes tendances de l’époque: acceptation de l’altérité, exploration de nouvelles opportunités, respect de l’environnement et recomposition de l’action collective.

Eugénie Senlis
Eugénie Senlis est chercheuse en humanités, diplômée de Sciences Po et titulaire d’un double master avec l’école de design Strate et Sciences Po.

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