Outils numériques et gouvernement réactif

Comment engager les citoyens à l’aide des plateformes numériques ? C’est la question posée à une cohorte d’experts internationaux, entre avril et juillet 2020, par le Columbia World Project, pour doter New York City d'une plateforme à même d'engager toutes les parties prenantes de la ville.

La question : comment construire une infrastructure digitale à même d’engager les parties prenantes de la ville de New York, et leur permettre de participer à l’élaboration des modèles de gouvernance ? Pour y répondre, le [Columbia World Project](http://columbia world projects obama foundation) (une initiative de Columbia University, The School of International et Public Affairs (SIPA), et la New York City Civic Engagement Commission (CEC)) a rassemblé 61 experts internationaux, dont Ekrem İmamoğlu (Maire d'Istanbul), Alice Barbe (Singa), Merit Janaw (Doyenne de la School of International et Public Affairs de Columbia University) et Michaël Dandrieux.

Le rapport complet, rédigé par Thomas Asher (Director, Research and Engagement, Columbia World Projects), Hollie Russon Gilman (Huo Family Foundation Fellow, Columbia World Projects) et Abigail Anderson (Program Associate, Research and Engagement, Columbia World Projects) est disponible en anglais.

Les principaux points sont traduits et résumés ici en Français. Au delà des spécificités qui lient ce rapport à la ville de New York, ces points peuvent permettre à tous les décideurs publics de répondre aux questions "quel logiciel utiliser pour engager les citoyens" et surtout "quels problèmes méritent une attention toute particulière dans le déploiement, le lancement et l'exploitation d'une telle plateforme".

Problèmes & enjeux

La manière même dont les pouvoirs publics se représentent les “utilisateurs” participe du succès du déploiement.
  • De nombreuses plateformes existant déjà, les citoyens subissent une crise de la sollicitation, à laquelle s’ajoutent les initiatives des pouvoirs publics, qui cherchent à ajouter de nouveaux services plutôt que de consolider l’existant.
  • Les développements rapides des technologies requièrent des résidents une constante hausse des compétences digitales pour pouvoir accéder aux services publics.
  • La pandémie a accentué les inégalités d’accès à internet, en privant certaines populations des lieux publics à partir desquels elles se connectaient, renforçant leur isolement et augmentant la fracture digitale.
  • Il ne suffit pas de déployer une plateforme pour entrainer son adoption. Le but doit être d’augmenter la capacité d’action civique des citoyens, et de les mettre en situation de jouer un rôle d’agent dans leurs communautés. Ainsi la manière même dont les pouvoirs publics se représentent les “utilisateurs” participe du succès du déploiement.
  • La réactivité de la structure à répondre aux suggestions est un facteur clef de succès. Même si une adoption se produit, l’absence de feed back risque d’affaiblir le sentiment de considération porté aux utilisateurs, et finalement peut éroder la confiance civique.

Solutions & recommandations

Un élément clef des interactions avec la plateforme est de prouver aux citoyens que leur participation a de la valeur. Qu'elle a un effet sur le monde autour d'eux.
  • Le CEC décide ainsi d’implémenter la plateforme open-source DECIDIM
  • Puisque l’implémentation seule d’une telle plateforme n’est pas garante de son succès, de nombreuses actions de communications doivent être entreprises pour la rendre visible. Ces actions doivent impliquer les réseaux de communauté existants, ainsi que les pouvoirs publics déjà en place, mais aussi les réseaux sociaux, pour aller chercher les citoyens là où ils sont.
  • La méthode d’identification des utilisateurs présente un dilemme : l’anonymat peut amener les populations qui n’ont pas l’habitude d’entrer en relation avec les pouvoirs publics à tester la plateforme sereinement. Mais les résidents sont-ils seuls à pouvoir participer à la plateforme ? Peut-on ouvrir la suggestion aux commuters mais restreindre le vote aux résidents ?
  • La priorisation des sujets abordés présente aussi un dilemme. Des sujets non critiques pourraient être abordés au début (comme les espaces verts) pour tester la plateforme, mais ils peuvent jouer contre une adoption rapide. Des sujets critiques (comme les violences policières) pourraient générer un engagement fort, mais s’ils n’entrainent pas de réponse lisible, ils peuvent éroder la confiance civique.
  • Surtout depuis la pandémie, certains moyens low-tech se montrent plus efficaces pour communiquer avec certaines populations (comme le téléphone avec les personnes âgées). Des “traducteurs” peuvent servir à recueillir les idées des citoyens en personne avant de les reporter sur la plateforme. Dans l’ensemble, la plateforme ne doit pas être le seul point de contact avec les citoyens, mais être une occasion à la participation. Des alliances avec les autres programmes en cours peuvent aider à rediriger vers la plateforme.
  • Un élément clef des interactions avec la plateforme est de prouver aux citoyens que leur participation a de la valeur. Qu'elle a un effet sur le monde autour d'eux. La clarté de la promesse de réactivité permet ainsi de nourrir la confiance civique des participants, et les encourage à s’engager d’avantage.

Conclusion

In fine, le développement d’une telle plateforme doit fournir l’opportunité concrète aux communautés de la ville de co-designer les processus de prise de décision, non seulement pour suggérer des sujets d’action et participer aux décisions en cours, mais aussi et plus radicalement, afin de designer les modèles de gouvernance futurs.

Michaël V. Dandrieux
Michaël V. Dandrieux, Ph.D., est sociologue et co-fondateur d'Eranos. Depuis 20 ans, il accompagne les dirigeants de toutes les industries : futur des soins avec Pierre Fabre, transition de Chloé vers une gouvernance par les parties prenantes, engagement des travailleurs chez Nexans, culture d'Air France face au COVID, valeurs de convivialité de Pernod Ricard, et confiance des femmes avec L'Oréal USA. Issu de la tradition de la sociologie de l'imaginaire, il enseigne à Sciences Po Paris au sein de l'Ecole du Management et de l'Impact et siège dans plusieurs Conseils d'Administration et Comités de Mission.

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